Déambulation

Je suis sur le chemin qui se déroule devant moi avec des courbes douces et engageantes. Je marche la tête libre, des rêveries naissent doucement, la forêt là-bas : va-t-elle révéler ses secrets ? Ce petit arbre seul pris dans la ronde d’une haie sombre qui contient la blondeur des blés et souligne la limite avec le vert anis de je ne sais quelle culture me touche. La civilisation n’est pas loin, la nature en porte sa trace. Faut-il admirer ou craindre sa puissance ? Cet agencement relativement ordonné bute contre les multiples verts de ces arbres qui protègent sous leurs branches caressantes des mystères ou une forme de vérité. La forêt nous ramène à l’enfance, c’est le lieu de tous les sortilèges, le lieu où la bête séjourne dans son château merveilleux ne sachant pas encore que la Belle viendra, le lieu où on peut se perdre, où l’ogre et la sorcière ne sont pas loin, le lieu de la maison des sept nains qui permet d’attendre le prince charmant, le lieu où on peut rencontrer le loup excitant et dévorant à souhait…. Au fond, il y a un peu de tous ces personnages en nous et chacun peut vivre ce qu’il a à vivre, l’important est de trouver le lieu justement et la forme. Quoi de plus riche que d’incarner la naïveté du petit chaperon rouge, puis un autre jour et sous d’autres hospices laisser s’exprimer la violence et le charme du grand méchant loup, puis une autre fois pouvoir sentir en soi la force démesurée de l’ogre affamé prêt à dévorer toute chair passant à sa portée. Et encore frémir de terreur en guettant à travers des barreaux la sorcière qui nous engraisse en attendant son heure. Et pourquoi pas ensuite laisser monter toute l’humanité, toute la tolérance qui offre à la bête la chance d’être un jour libérée. Nous semons nos cailloux, nos miettes de pain. Allons-nous retrouver notre chemin dans ce dédalle de possibilités ? Nous pouvons jeter des sorts ou exorciser. Laisser se jouer tous les rôles au sein de notre théâtre interne serait-il le moyen le plus sûr de se protéger de leur pouvoir destructeur. Qu’en pensez-vous ?